Mais les temps sont durs. Sa famille ne peut subvenir aux études auxquelles il aspire. Mis en apprentissage à 14 ans, il devient ajusteur. Avec la pratique vient la dextérité, entraînant la précision des pensées, clarté de l’esprit indispensable pour dévoiler le symbolisme derrière l’intention de tout texte sacré dont il poursuit la quête parallèlement.
À 18 ans, en quête d’un travail, il en accepte un dont personne ne veut tant il est pénible. Il se retrouve soutier de nuit, entretenant la chaudière de la soufflerie qui protège les avions du froid dans les hangars de l’aéroport de Vélizy-Villacoublay. On lui fait alors une promesse : s’il tient l’hiver, il rejoindra les ouvriers dans les ateliers de l’usine. Dans la neige, par temps de gel et de verglas, il va, les pieds enveloppés de journaux dans des souliers troués, de l’aérodrome à Versailles et de Versailles à l’aérodrome. Par les nuits claires et de froid cinglant, il contemple les étoiles et, carte en mains, apprend leurs noms en observant la formation des constellations… C’est auprès de ce monstre de feu, cette chaudière à l’appétit d’ogre, qu’il entame la lecture des Upanishad, textes sanskrits faisant partie des plus anciennes écritures philosophiques de l’Inde.
À 20 ans, contraint de faire son service militaire dans l’armée française durant deux ans, il est ensuite maintenu sous les drapeaux, la France et la Grande-Bretagne ayant déclaré la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. Nommé chef de corps franc, il était à l’avant-garde des troupes, constamment exposé à tomber dans les embuscades ennemies. Il échappe plusieurs fois à la mort. Son caractère indépendant et sa conscience lui sauvent la vie le jour où, refusant d’obéir et menacé du conseil de guerre, il frappe un capitaine qui voulait le contraindre à razzier un village. Se dénonçant lui-même aux autorités, il se trouve en prison lorsqu’il apprend que sa compagnie est décimée. Il reste le seul survivant…
Lors de la signature de l’Armistice, le 22 juin 1940, Paul Adam fait partie des quelques deux millions de Français prisonniers en Allemagne. Pris pour un juif qui portait le même nom, il est placé dans un camp d’extermination. Après enquête, on le sort de ce purgatoire, et il est envoyé se refaire une santé comme ouvrier agricole auprès d’une famille de paysans allemands au milieu de laquelle il apprend leur langue. On l’y retire au bout d’un an pour l’enfermer dans un camp de travail obligatoire. Ordre lui est donné de mettre sa qualification professionnelle au service de l’Allemagne. Sa connaissance de l’allemand lui permet de devenir homme de confiance, ce qu’il met à profit pour organiser un réseau d’évasion dont personne ne connaissait le responsable. Plusieurs dizaines de ses camarades d’infortune retrouvèrent ainsi la France. Lui, ne s’évadera pas. « Libre derrière les barbelés » comme il avait coutume de dire, il lit les Upanishad et continue à étudier en solitaire. C’est l’arrivée des Américains qui le délivrera. Il les suivra quelque temps dans leur progression victorieuse, puis, épuisé physiquement, il sera rapatrié.
